Et nous y revoilà! Cinquante ans après! Un demi siècle, pour nombre d'entre-nous. Nous y sommes revenus. Grâce à Michel Henry qui nous avait préparé le terrain auprès du Principal. Un grand merci à eux deux d'avoir permis ce moment d'émotion.
Revenir au Lycée, ça fait ... comme qui dirait drôle! Oui, oui! C'est ce qui me vient d'emblée! Comme un bazar contenu et mitigé.
Je ne voudrais pas infléchir la variété de vos impressions en lançant de manière un peu trop précise et détaillée les miennes. Sans doute des lignes de convergence se retrouveront-elles dans la variété des vécus de chacun. A suivre. On verra bien.
Quelques points rapides seulement, donc. D'abord, extérieurement, ce qui frappe, c'est que la couleur gris sale d'avant a changé. Pourtant faut croire qu'on s'y était accoutumé. Désormais, à l'heure du paraitre primant sur l'être où l'on en est venu à croire que la beauté des images d'un livre suscite mieux le désir de lire que son contenu, on est ainsi supposé voir d'avantage la vie en rose sans doute.
Puis, avec le temps, l'âge, l'évolution des valeurs de notre société, la "consommation" de l’accès banalisé et peut-être de moindre valeur donnée et ressentie, aux savoirs et à l'appropriation de l'héritage humain, culturel et scientifique de nos "pères", sans doute sommes-nous devenus moins sensibles à la chance, à l'honneur extrême et un peu solennel que représentait à notre époque la "rentrée au Lycée". Notre humanité s'y développait et s'enrichissait de la confrontation à la pensée et à l'expérience des anciens qui faisait transmission. "L'héritage de tes pères, il te reste à te l'approprier" disait de mémoire Freud. C'est pourquoi aussi, parce que "science sans conscience n'est que ruine de l'âme" on venait y faire ce qu'on appelait "ses humanités".
Et ça servait à s'humaniser... justement.
Maintenant, il paraitrait que le savoir se conditionne, se mesure, se vend formaté et se consomme donc un peu comme la lessive en baril selon une logique marchande de rentabilité et d'entreprise. Ça se délivre, s'administre, se "gère", s'évalue et peut-être se reçoit "par objectif". Tu les atteins ou tu dégages! Ah là là, mon pauvre Gassendi, accroche-toi bien à ta lunette, ils ont choppé le virus de la loi du marché et la mondialisation. Nous, nous, spontanément, avons évoqué ... notre grippe Espagnole d'alors, nos relations d'ado, nos jeux, le souvenir ému de nos professeurs et, ce qu'on a reçu d'eux ... Ce qui ne se réduit pas à des registres comptables de "chiffres", même si ça compte beaucoup...
Est-ce cela ou le recul de l'âge et les coups de vieux néanmoins encaissés ici et là? Va savoir! Tout ça pour amener ... un petit détail qui m'a frappé. La "cour d'honneur", désormais goudronnée et à la végétation plus qu'épurée, celle qui donnait le ton un peu plus solennel, la valeur et le goût à l'élévation dans un prestigieux savoir, tant pour le visiteur que pour les jeunes "impétrants" , m'a semblé avoir perdu de sa superbe...et de son pouvoir. Celui qu'elle avait eu à mes jeunes yeux d'emblée impressionnés jadis. Elle est devenue moins belle et impressionnante. Pour tout dire, elle m'est apparu moins cour d'honneur qu'avant. Regardez où est allé se nicher, avec l'âge, ce zeste inattendu de nostalgie!
Ceci dit, pendant la visite, que de souvenirs en sommeil s'activaient chemin faisant pour les uns et les autres qui retrouvaient parfois, ici ou là dans tel ou tel recoin, quelques beaux restes intacts d'étincelles potaches impromptues. N'est-ce pas Paul-Louis ...Jean-Paul et quelques autres? Dire des "conneries", prendre le recul du rire et de l'autodérision, comme tu le dis si bien, ça devrait être prescrit et remboursé par la sécu, tellement ça fait du bien.
Et ce n'est pas fini probablement. Faut du temps, pour laisser mijoter et "revenir" à feu doux. Les jeunes papys et mamies sont devenus parfois un peu plus longs à la détente, mais pas dépourvus de ressort pour autant. Il n'y avait qu'à les écouter et voir leurs yeux briller!
D'ailleurs, pour se remettre de ces coups au cœur, il fallait bien un "banquet". Ce qui fut fait comme prévu et bien fait. Un grand merci à nos sympathiques hôtes, ceux qui comme le Duchose de la télé jadis, se sont "décarcassés" pour nous. L'agneau de Sisteron avait sûrement le tampon, mais surtout l'accent authentique du terroir et de l'amitié! L'essentiel en somme.
Allez, à vous la parole! Vos impressions et évocations sont attendues.
Michel Berlin
La visite à Gassendi ?
Un petit choc émotionnel certes mais une petite déception. La machine à remonter le temps n'a pas entièrement fonctionné. Les lieux sont devenus trompeurs « soft » et colorés . Le
« ripolinage » du bâtiment et des balustrades aux couleurs flamboyantes, le goudronnage des cours de récréation, des platanes centenaires disparus, le dortoir visité méconnaissable
….. tous ces détails nous voilent l'ambiance « 3ème République » que nous vivions.
Pour ma part l'internat de Gassendi dans ces années 60 : un casernement d'architecture morose et austère animé d'un climat martial « liberticide »plus prés de « l'enfermement »
( je crois que j'exagère un peu mais c'est toujours bien de passer pour un résistant ! ).
Était-ce l'antidote pour réenchanter l'espérance et éveiller les consciences?
Je suppose que mai 68 a précipité le système …...C'est peut être tant mieux !
Jean-Paul Daumas
Visite à Gassendi
Après les corrections amicales
sur l'accord ( et le désaccord ) du participe passé par Anne -Marie,
sur la juste place de la ponctuation pour rythmer le souffle par Monique.
Après le " Nihil obstat " de Michel et l " Imprimatur " de Pierre -Jean,
voici un petit compte rendu en vers de mirliton ( déjà entendu par certains).
Au Lycée Gassendi
Oh, temps, refais ton vol , pendant ce samedi,
Nous venons retrouver le Lycée Gassendi.
Nous allons retrouver quand nous avions quinze ans
Ce parfum oublié qui nous a marqués tant.
Ce parfum de la cour ,des colles et des copains,
Des dortoirs, de l'ennui des dimanches sans fin .
Et de nos escapades quand nous faisions le mur,
Et de cet avenir dont nous n'étions pas sûrs.
Allez, nous allons voir ce fameux bâtiment.
Mais en fermant les yeux nous en verrons autant.
Nous verrons défiler nos profs , ce qu'ils nous ont transmis,
Eux qui finalement ont forgés notre vie.
Y'avait M'azell Richaud professeur de latin,
Et aussi Callaghan à l'anglais incertain .
Il y avait Barba qui ne nous barba point.
Le professeur Bernard à la voix de stentor,
De la Philosophie il nous fit un trésor.
Et aussi Monsieur Coué pour qui les grecs anciens
Devenaient par magie tous des contemporains.
Ils y avait les Surgés ,il y avait les Pions.
Pardonnez moi les autres j'ai oublié les noms,
Mais surtout pas pourtant, aucun de vos visages,
Vous nous avez aidés à être un peu plus sages..
Sheila chantait alors que l" école est finie".
Mais non heureusement elle dure toute la vie.
Et à vous voir tels quels ,les copains, les amies,
Même si vous n'êtes plus là vous êtes toujours ici.
Je sais que l'essentiel "Gassendi" nous l'a dit.
19\ 03\ 2016
Les Russes ont parait-il l'habitude de dire quand ils se réunissent en famille ou entre amis:
"nous avons passé une très bonne soirée, on a beaucoup pleuré ".
Nous nous pouvons dire :
"nous avons passé une très bonne journée ,on a beaucoup rigolé "
Merci aux organisateurs et au derlo.
Amicalement
Paul-Louis Albertini
Pour mise en musique du poème offert par P-J
Michel Berlin (mardi, 22 mars 2016 08:19)
Je partagerai volontiers ici deux sensations profondes et très justes de Jean-Paul et Paul-Louis.
En ouvrant les yeux sur le Gassendi d'aujourd'hui, un Gassendi "updatisé" à la Microsoft, il nous semble en effet qu'on nous a un peu "volé" en le voilant "CE" que nous voyons encore en
les fermant et que fait vivre notre association...
Pierre-Jean (mardi, 22 mars 2016 11:36)
Sentiment mitigé d'avoir effectivement retrouvé banalisé et au goût du jour avec quelques verrues (notamment cabane à poules dans la cour d'honneur, présentoirs dans le hall) cet austère
lycée qui était et qui restera dans ma mémoire d'un gris assorti à la vie d'interne de cette époque.
Cette rencontre et nos échanges ont conforté le sentiment d'avoir été malgré tout des privilégiés, d'appartenir à une sorte d'"aristocratie" dans un enseignement structuré avec des
professeurs pour la plupart excellents.
Devant la salle de ciné club et la présence de JB : un souvenir...
JB, si c'est bien lui, a récité avec le soutien, me semble t'il, d'un prof d'histoire dont j'ai oublié le nom sous les yeux héberlués de Pruniaux, de certains professeurs, ce texte de
Boris Vian en je ne sais plus trop quelle occasion
"Je voudrais pas crever" .
Je voudrais pas crever
Avant d'avoir connu
Les chiens noirs du Mexique
Qui dorment sans rêver
Les singes à cul nu
Dévoreurs de tropiques
Les araignées d'argent
Au nid truffé de bulles
Je voudrais pas crever
Sans savoir si la lune
Sous son faux air de thune
A un coté pointu
Si le soleil est froid
Si les quatre saisons
Ne sont vraiment que quatre
Sans avoir essayé
De porter une robe
Sur les grands boulevards
Sans avoir regardé
Dans un regard d'égout
Sans avoir mis mon zobe
Dans des coinstots bizarres
Je voudrais pas finir
Sans connaître la lèpre
Ou les sept maladies
Qu'on attrape là-bas
Le bon ni le mauvais
Ne me feraient de peine
Si si si je savais
Que j'en aurai l'étrenne
Et il y a z aussi
Tout ce que je connais
Tout ce que j'apprécie
Que je sais qui me plaît
Le fond vert de la mer
Où valsent les brins d'algues
Sur le sable ondulé
L'herbe grillée de juin
La terre qui craquelle
L'odeur des conifères
Et les baisers de celle
Que ceci que cela
La belle que voilà
Mon Ourson, l'Ursula
Je voudrais pas crever
Avant d'avoir usé
Sa bouche avec ma bouche
Son corps avec mes mains
Le reste avec mes yeux
J'en dis pas plus faut bien
Rester révérencieux
Je voudrais pas mourir
Sans qu'on ait inventé
Les roses éternelles
La journée de deux heures
La mer à la montagne
La montagne à la mer
La fin de la douleur
Les journaux en couleur
Tous les enfants contents
Et tant de trucs encore
Qui dorment dans les crânes
Des géniaux ingénieurs
Des jardiniers joviaux
Des soucieux socialistes
Des urbains urbanistes
Et des pensifs penseurs
Tant de choses à voir
A voir et à z-entendre
Tant de temps à attendre
A chercher dans le noir
Et moi je vois la fin
Qui grouille et qui s'amène
Avec sa gueule moche
Et qui m'ouvre ses bras
De grenouille bancroche
Je voudrais pas crever
Non monsieur non madame
Avant d'avoir tâté
Le gout qui me tourmente
Le gout qu'est le plus fort
Je voudrais pas crever
Avant d'avoir gouté
La saveur de la mort...
C'est à la suite de cela que beaucoup d'entre nous ont découvert avec bonheur l'auteur : ("L'écume des jours", "L"arrache-cœur"...), l'auteur de romans policiers, ("J'irai cracher sur vos
tombes"(...le jazzman, le compositeur,( "Le déserteur", "Fais moi mal Johnny"...)
Merci Michel d'avoir réveillé tout ça en organisant cette rencontre.
MB (mardi, 22 mars 2016 19:30)
Elle n'est pas mal P-J ta photo du Lycée mise au-dessus de nos têtes en page d'accueil. Genre "ils ont gardé leur petit Lycée dans la tête".
Et oui, suis d'accord avec vous, "la saveur de la mort" c'est qu'elle "booste" la vie, la rend précieuse...et à savourer.
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AP (mercredi, 23 mars 2016 01:02)
Et dire que j’avais prévu d’amener ma dernière blouse grise ! (et oui je l’ai toujours mais je ne l’ai plus jamais portée !). J’ai bien fait de l’oublier. J’aurais eu l’air de quoi devant
toutes ces façades roses ? Sans doute d’un vieil épicier fourvoyé là par hasard. Mais certainement pas du potache un peu rêveur d’alors.
C’est propre, c’est net, bien goudronné de partout, électro-automatisé à l’envie. Alors, plus de poussière ni de boue dans les cours ? Et ils jouent à quoi ceux de maintenant ? Mais
pardon, j’allais oublier sainte Tablette, saint Smarphone et saint I Pad… qui sont là pour leur éviter les angoisses et les dangers des relations humaines ou les périls de ces jeux
idiots, mais formateurs, auxquels ont jouait sans accessoires rutilants, excepté parfois quelques billes. Et la question vient d’elle-même : et l’amitié, le plaisir d’être ensemble, tout
ce qui nous permettait de supporter les « mauvais » moments, est ce qu’ils connaissent, ou pas ? Lequel d’entre eux ira ressortir les fusils de la mère Carrar ? Et, s’il le fait,
trouvera-t-il une scène pour jouer à guichet fermé parce que tout le Collège se sera déplacé ? Et l’autre, va-t-il prendre la responsabilité d’organiser, à partir de presque rien, le bal
des Philo-Math et d’y inviter, comme chaque année, le proviseur et le préfet ?
Mais qu’importe si, à la place des chiottes à côté desquels, avec Bernard et Lucien, nous répétions La Mama à nous en faire péter la glotte, il y a désormais un passage couvert entre ce
qui fut la cour des « grands » et celle des « petits ». Qu’importe si la cour d’honneur a perdu pas mal de son lustre.
La cour du terrain de volley, elle au moins, est restée dans son jus et, derrière le grillage trop neuf, il y a toujours ce poteau qu’on aurait du baptiser Sésame.
Et puis, au dessus de l’entrée, ils n’ont pas osé enlever la belle enseigne verte LYCEE GASSENDI.
Alors ça valait le coup d’y être. Pour fureter, sentir encore quelques odeurs, faire ressurgir des choses que l’on croyait oubliées. Avoir encore une fois, in situ, la vision de Jean Paul
s’envolant jusqu’au plus haut de l’Ours pour s’y laisser retomber, assis, après une pirouette. Repasser devant la salle où Maurice Bernard nous parlait du Tonkin. Chercher la porte où le
père Chandre nous vendait des Carambar, des sodas et des petits cakes. (à chacun sa madeleine… )
Pour tout ça et pour tout le reste, merci encore Michel et merci à M. le Principal de s’être démené pour que, pendant une paire d’heure nous retrouvions, par delà tous les liftings qu’il
a subi, ce bahut qui peu ou prou nous a vu et fait grandir.
Jean-Louis LIENART (mercredi, 23 mars 2016 11:46)
A la lecture des premières impressions publiées, on ressent un certain désenchantement par rapport à la visite elle même, avec le grand bonheur quand même de s’être retrouvés là, 60 ans
après nos premiers pas à Gassendi.
Soyons honnêtes, ce n’était pas toujours la joie de venir au Lycée.
Dans ces années d’adolescence, « la vraie vie » était en dehors du Lycée, et une fois dedans, on ne rêvait que d’en sortir. Pour moi qui était externe, je le vivais souvent comme une
privation de liberté, alors j’imagine pour les internes…. La visite, si elle faisait appel à nos souvenirs, ne pouvait donc pas nous transporter d’allégresse…. Et cette cour (anciennement
« d’honneur »), quelle fadeur aujourd’hui…… tout cela est vrai.
Mais au fond, qu’étions-nous venus chercher ?
Nous sommes peut-être venus, pleins de ferveur, assister à une pièce de théâtre, assez ancienne, dont nous avions gardé un souvenir ému, avec le fol espoir de la revivre ce jour.
Première déception, les décors avaient changé, repeints de neuf et bien sécurisés (alarmes incendie) mais surtout……. Les acteurs avaient disparu.
Alors, on a bien essayé de les faire apparaître, on entendait revenir leurs noms dans nos conversations…… Raynaud, Bernard, Chatroux, Laxenaire, Paul….. mais ils sont restés insensibles à
nos appels, ils sont partis….. définitivement pour la plupart.
Donc la pièce de théâtre n’a pu être jouée.
Objectivement, on le savait en venant, mais……
Il reste cependant que la vie au Lycée comportait parfois (trop peu souvent) quelques moments de grâce, lorsqu’un professeur, jeune ou vieux mais passionné par sa matière, parvenait à
nous la faire aimer.
Et ces moments resteront comme des moments décisifs dans notre vie d’élève, principalement pour ceux, comme moi, qui sont devenus professeurs à leur tour.
J-L. L
M. Berlin (samedi, 26 mars 2016 16:28)
Génial cette histoire de blouse, André! A prendre même au sens propre pour se marrer ensemble, encore un bon coup. On aurait pu se concerter et tous en remettre une pour la circonstance.
Je n'y avais pas pensé! D'autant que la mienne fut ...blanche en terminale. Non pas sans doute par prétention à la pureté du candide "candidat", mais par contradiction et souci adolescent
- m'a-t-il vraiment quitté d'ailleurs - d'une certaine résistance potache à rentrer dans le rang... et les "cases".
Alors, pour revenir à tout ce gris, décidément jeté comme un voile de bromure sur notre liberté et sur nos jeunes personnalités en ébullition, j'aurais bien revêtu l'ancienne mienne, la
grise qui fendait la bise, encore un coup. Mais là alors, rien que pour le fun du "tableau" et la rigolade!
Et ce clin d’œil collectif, genre "monome de papys-mamies" décalés, n'aurait pas manqué son effet d'autodérision humoristique.
Ceci dit, d'un autre côté, cette ancienne grisaille peinte en rose, ces dortoirs plus intimes et "humains" transformés en chambres, même s'ils nous ouvrent les yeux sur un chouia de
nostalgie d'un passé ... pourtant passé, sont néanmoins sans doute un tantinet plus gais et confortables à vivre que les nôtres. Ne serait-ce qu'à voir la différence d'avec la cour de
volley et de tennis restée dans son "jus".
MB
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